Depuis plusieurs années maintenant, les motoGP européennes trustent avec avidité les meilleures places des classements moto. Loin d’être un épiphénomène, les japonaises sont reléguées dans le peloton de chasse sans parvenir à se battre de façon systématique aux avant-postes. Ainsi le cap de la misaison passé, il faut descendre à la onzième place du Championnat pour trouver le premier pilote évoluant au guidon d’une japonaise (Fabio Quartararo Yamaha)
Toutefois, il est hors de question de remettre en cause les qualités de pilotage intrinsèques des pilotes. Depuis l’introduction des nouvelles technologies et notamment des solutions aéro bien plus libertaires que par le passé, les européens parviennent davantage à capitaliser. Les nouveautés en terme de châssis sont également un des points forts des européens.
Il semblerait que l’époque à laquelle les gros moteur et la maestria des pilotes ne suffisent plus à devancer la meute. Loin d’être une simple passade, la synergie entre les différents départements d’un constructeur (moteur, aéro, châssis) semble bien plus fluide que pour leurs homologues nippons.
L’adage « le tout est plus que la somme des parties » est plus que jamais de rigueur. Chaque département travaille en Europe en concertation semble t’il plus étroite avec ses homonymes des autres départements. Difficile d’en trouver les raison mais selon plusieurs sources, il s’agit là d’un travail de longue haleine en ressources humaines établissant des changements de poste d’ingénieurs au fil des saisons. Certes, les spécialistes moteur restent dans leur couloir mais évoluent de temps en temps aux côtés des ingénieurs châssis et/ou aéro et inversement. Chaque ingé dispose de connaissances transversales permettant de percevoir subtilement les contraintes et avantages de chaque secteur.
C’est une constante dans les sports mécaniques: disposer de X chevaux incapables de passer efficacement au sol est un non sens rendant le bolide parfois moins efficace qu’avec moins de chevaux.

Autre avantage des constructeurs européens: il s’agit du développement des laboratoires d’application de solution tunnels aéro. A ce titre, il est désormais possible qu’une écurie moto collabore avec les équipes aéro du sport roi en ce domaine: la F1. Le premier constructeur moto à avoir développer des solutions aéro est ainsi Ducati par le biais de son écurie bis Pramac Racing. A l’époque, c’est le français Johann Zarco qui était un des premiers à valider ces nouveaux dispositifs: « Finalement, c’est ce qui peut faire le plus de différence en dynamique aux vitesses auxquelles on roule. Ce qui est beau, c’est que les ingénieurs et les mécaniciens essayent de faire ces compromis entre une moto maniable et stable simplement grâce à l’aéro » confiait ainsi Zarco à notre confrère 20 minutes en début de saison.
Il faut dire que sur la planète sports mécaniques, les MotoGP sont désormais loin d’être des moto. Véritables prototypes-laboratoires avec plus de 300cv pour un peu plus de 150kg, ces monstres doivent passer cette écurie colossale sur une dimension d’une demi carte à jouer au pneu arrière. Sans les systèmes électroniques antipatinage, anti-wheeling, anti lag et les solutions aéro, ces bestioles seraient purement et simplement inconduisibles à ces vitesses dingues.
A cet effet, la fraîche signature de Zarco chez LCR Honda pour la saison prochaine et la suivante au minimum pourrait bien apporter un semblant de pistes de développement chez le constructeur japonais tant l’analyse du pilote en ce qui concerne les nombreuses années passées chez Ducati est un feedback essentiel.

L’aéro offre ainsi des solutions pertinentes en terme de vitesse pure liée à la puissance mais également en ce qui concerne la vitesse de passage en courbe, véritable gage de performance pure. La vitesse d’une moto dépend aussi de deux paramètres aérodynamiques qui sont sa surface frontale et son coefficient de résistance à l’avancement. La résistance à l’avancement due à l’air augmente avec le cube de la vitesse. De fait, pour pouvoir multiplier une vitesse de passage d’un objet en conditions purement mécanique, il faut multiplier par 8 la puissance du moteur ! Impossible compte tenu de l’efficacité actuelle des blocs. Difficile de trouver 5cv fiables supplémentaires.

En résumé, les motoGP sont devenues de véritables missiles sol-sol et il est désormais visible que la différence de performance entre pilotes se fait pour beaucoup en col blanc. Plus que jamais le spectacle en piste a vocation à se réduire au fil des ans au bénéfice de l’efficacité. A moins que les tenants de la MotoGP se décident à entamer une démarche liberticide en terme de nouveautés. Toutefois, il faudra bien choisir: soit le spectacle en piste avec une différence se faisant uniquement à la prise de risque du pilote en nivelant les solutions techniques soit ce sport mécanique reste dans la ligne qui est celle du haut-niveau: rester un laboratoire de solutions au bénéfice de la moto civile. En ce cas, il faudra accepter la prédominance claire d’un ou l’autre constructeur en fonction de l’introduction de nouvelles technologies.
Pour en savoir davantage en ce qui concerne le développement et les pistes suivies en terme de définition aéro, je ne peux que vous encourager à lire l’excellent papier très didactique de nos confrères de paddock-GP.